jeudi 19 août 2010

Casinos: "une crise latente depuis deux ans"


Baisse de fréquentation, situation financière fragile, concurrence des jeux en ligne : les temps sont durs pour les casinotiers français. Michel Roger, président du Syndicat des casinos de France, appelle le gouvernement à réagir.


La Société française de casinos placée la semaine dernière en redressement judiciaire, le groupe Partouche qui peine à boucler une augmentation de capital... L'actualité du secteur n'est pas très rassurante...

Michel Roger: La situation est préoccupante aujourd'hui, nous vivons une crise latente depuis deux ans. Voilà de nombreuses années que nous échangeons avec le ministère de l'Intérieur pour faciliter l'exploitation des casinos, et avec le ministère du Budget, pour alléger la fiscalité accumulée au fil des ans. Avant, nos interlocuteurs disaient : "Ce n'est pas un souci, les casinos fonctionnent bien", mais aujourd'hui ce n'est plus la même chose. On a clairement oublié de réagir. La baisse de fréquentation et le poids de l'endettement menacent tout le monde, les indépendants comme les grands groupes. Il faut investir régulièrement pour s'adapter. La rentabilité n'est plus ce qu'elle était et les petits casinos restent évidemment plus fragiles que les autres. C'est le risque majeur pour la profession: une sélection naturelle va s'opérer.

Comment expliquer cette mauvaise passe ?

Tout d'abord il y a eu les nouvelles règlementations sur le contrôle aux entrées : les clients n'aiment pas que l'on vérifie leurs papiers et ont peur d'être répertoriés dans des bases de données. Deux ans plus tard, l'interdiction de fumer dans les lieux publics a été également très pénalisante, de même que le resserrement du dispositif sur l'alcool. Ces mesures sont pourtant difficiles à remettre en cause, car elles vont dans le sens de la santé publique. De manière générale, ce sont essentiellement la crise économique et l'interdiction de fumer qui ont provoqué les difficultés actuelles.

Si je prends l'exemple du casino que je dirige, à Saint-Valery-en-Caux (Seine-Maritime), nous avons investi deux millions d'euros pendant la crise, mais aujourd'hui, il faut les rembourser et ce n'est pas facile, malgré un outil de travail modernisé, des nouvelles machines à sous, le retour de jeux traditionnels etc.

La déréglementation des jeux d'argent en ligne est-elle aussi une mauvaise nouvelle pour le secteur ?

Pour le moment, seuls les paris sportifs sont concernés. En septembre, ce sera au tour du poker. Les casinos se sont bien préparés, avec une offre spécifique, mais il faudra attendre quelques mois pour dresser un bilan. En elle-même, cette loi est une bonne nouvelle, car elle induit un impôt et rend légales des activités qui ne l'étaient pas jusqu'ici. Il faut maintenant que la loi soit appliquée avec sérieux et sévérité.

Je constate toutefois que la Française des Jeux reste soumise à moins de contraintes que les casinotiers. Par ailleurs, il subsiste de grosses différences de fiscalité : dans le budget des casinos, le prélèvement fixe sur le produit des jeux [ndlr : maximum 15 %] n'est absolument pas justifié.

Au vu des signes de retour de la croissance, êtes-vous confiant pour l'avenir ?

Dans l'ensemble, la fréquentation baisse moins en ce moment, mais cela reste fragile. On a l'impression qu'il peut y avoir un frémissement. Même si les casinos ne sont pas prioritaires lors d'un regain de consommation, il est évident que nous ne passerons pas à côté de la reprise économique.

La clientèle des casinos se divise pour moitié entre les habitués et les "zappeurs". Comment fidéliser cette clientèle de passage ?

Au risque de dire des banalités, il faut avant tout bien s'occuper de ces "zappeurs" : l'endroit doit être accueillant, le personnel souriant... Un casino est tout sauf un lieu impersonnel, comme une station essence ou un supermarché. Il faut que les clients se sentent reconnus et écoutés. Si vous observez une carte des casinos de France, vous verrez qu'ils sont souvent très proches les uns des autres; le jour où des amateurs veulent revenir jouer, s'ils se souviennent de l'accueil, alors ils reviendront dans votre casino!

Un secteur qui souffre
- Sur l'ensemble des 197 casinos français, une baisse de 4 % du produit brut des jeux (PBJ) aurait été constatée pour les premiers mois de l'exercice en cours (novembre 2009-octobre 2010). Le PBJ était déjà tombé de 2,8 milliards d'euros en 2006-2007 à 2,55 milliards en 2007-2008 puis à 2,3 milliards en 2008-2009. Ces trois dernières années, le secteur des casinos a connu une baisse globale de 20 % de son chiffre d'affaires.
- Le 13 août, la Société française de casinos (SFC), qui exploite trois casinos à Chatel-Guyon (Puy-de-Dôme), Gruissan et Port-la-Nouvelle (Aude), a été placée en redressement judiciaire.
- Le 15 juillet, le casino de Beaulieu (Alpes Maritimes), détenu par le groupe Partouche, était déclaré en cessation de paiement. Partouche va probablement devoir lancer une restructuration en profondeur après n'avoir réussi qu'à lever 77,5 millions d'euros sur les 100 millions espérés, lors d'une récente augmentation de capital.

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